Description
Tenter de rappeler en quelques phrases ce qu’une nation comme la France doit à ses abbayes est à peu près impossible. Et pourtant, il faut bien dire que, sans elles, la civilisation n’aurait pas survécu à tous les bouleversements matériels et spirituels des invasions barbares. Les abbayes ont été nos conservatoires. Les quelques pierres qui peuvent subsister de la plus humble d’entre elles sont les plus fermes bases sur lesquelles s’édifia le jeune occident médiéval. Aussi bien les abbayes furent-elles nos écoles, écoles d’art, de lettres, de science et d’agronomie, écoles de charité et de sainteté, bien sûr, écoles de vie – cette vie qui, régénérée par les moines, sut fleurir à leur ombre protectrice. Saint Benoît, saint Colomban, saint Anselme, saint Hugues, saint Bernard, l’abbé Suggère, sont d’illustres hommes d’églises ; ce sont aussi de grands hommes, dans le sens actuel du terme : la chrétienté leur doit l’existence, l’Europe, son héritière, les traits les plus profonds de son visage.
Les révolutions européennes, anciennes ou modernes, religieuses, politique ou sociales, ne s’y sont jamais trompées : c’est d’abord, l’ordre monastique qu’elles visaient à détruire pour mieux établir leur ordre nouveau. L’histoire le montre à chacune de ses pages. Nous n’avons pas besoin de les recopier ici.
C’est le corps même des abbayes de France qui fait l’objet de ce livre rapide. Biffez Cluny, Tours, Caen, Vézelay, Saint-Savin du Tableau de l’art français : que restera-t-il de sa gloire romane ?
A quelques exceptions près, les cathédrales de France ont résisté aux bouleversements de la fin du XVIIIe siècle et à leurs séquelles. Les plus superbes témoins de l’art monastique ont, en revanche, servi de cibles au monde nouveau. Saint Pierre de Cluny, Saint-Martin de Tours, Notre Dame de Cîteaux, est-ce un hasard si ces abbayes mères ne sont plus ? Est-ce un hasard si tant d’admirables abbayes cisterciennes sont aujourd’hui désaffectées, déshonorées, défigurées, quand, du moins, les spéculateurs ont oublié de les détruire ?
Nous le savons bien : le monde dans lequel il nous a été donné de vivre tient à honneur d’être réaliste. Conserver une église inutile ? quelle dérision ! A quoi bon Saint-Pierre de Cluny, Sainte-Geneviève de Paris, Notre-Dame du Bec-Hellouin, Notre Dame de Clairvaux ! En revanche, de solides et pratiques bâtiments où priaient et travaillaient des moines, voilà qui est bien pour aménager une école, un collège, une caserne, une prison ! Ainsi nous furent livrées quelques-unes des grandes abbayes de France, incomplètes, inexpliquées, parce que privées de leur essentiel.
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