Description
« Un empire ne se bâtit jamais sans horreurs ni violence », écrit Gilbert Comte dans cet ouvrage, qui relate une aventure fertile en images d’Epinal exotiques, dont l’Exposition coloniale de 1931 fut le mémorable kaléidoscope. Pour autant, l’auteur ne se propose pas d’exalter cette « épopée », comme on disait encore avant guerre, mais plutôt d’en éclairer les multiples ambiguïtés. Ainsi, note-t-il, Marx estimait dans son Manifeste que la colonisation européenne entraînait « dans le courant de la civilisation jusqu’aux nations les plus barbares », alors qu’Albert Sarraut, pourtant ministre des colonies (de 1920 à 1924), reconnaissait qu’elle avait été « au début, un acte de force intéressé ». Le même patriotisme — ou la même ambition — habitait-il les capitaines Voulet et Chanoine, responsables d’atrocités dignes de la guerre de trente ans, au Niger, et le quasi angélique Savorgnan de Brazza, prenant possession du Congo sans tirer un coup de fusil ? Quelle ambiguïté, enfin, dans la carrière de Blaise Diagne, le premier Noir élu député, chargé par Clemenceau du recrutement des tirailleurs sénégalais, chair à canon privilégiée des ultimes assauts de la guerre des tranchées.
Aussi bien, après que les Gallieni, Mangin et autres Marchand aient bâti cet empire, de bons esprits comme André Gide se sont alarmés d’une mise en valeur parfois forcenée des colonies, comme pour la construction du chemin de fer du Congo-Océan, où mourait en moyenne un manœuvre noir par traverse de rail posée.
En conclusion, Gilbert Comte affirme qu’en 1960 « aucun dirigeant de la nouvelle Afrique indépendante ne souhaitera ramener alors son pays dans l’état où le découvraient les premiers explorateurs ». Cela relève de l’évidence, mais le problème est de savoir si un commerce pacifique n’aurait pas mieux valu, pour « civiliser » l’Afrique, que de sanglantes conquêtes suivies d’une exploitation sans scrupules.
Claude Wauthier
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