Gironde Estuaire fleuve de vie – Michel Le Collen Photographies – Didier Coquillas Commentaires – Michel Petuaud-Letang Préambule – A éditions –

Description

Ni début, ni fin. Flots immenses au souffle long dévorant le ciel et la terre. Monde changeant aux limites imprécises, échanges incessants de mer en boue, de sel en chaux, perpétuelle ouverture béante du continent vers l’océan laissant s’échapper les espoirs les plus fous. Sempiternelle descente des monts vers des gouffres inconnus évacuant les pluies et les pleurs des terres habitées, descente inlassablement remontée, inlassablement lavée. Mouvement sans fin. Homme ? Femme ? Dieu ? Seulement de l’eau, toujours de l’eau. Eau épaisse aux profondeurs indécises. Espace de frayeurs et de tempêtes, de puissance indicible, d’absence et d’isolement précaire. Rien n’est sûr en ces lieux ni le fond ni le ciel, ni les îles ni les berges, ni l’aboutissement ni le commencement, ni la lumière ni les ténèbres, ni les hommes et leurs désirs, ni les esquifs et leurs prétentions dérisoires. Rien ici n’est compact, dur, solide. Rien ici n’est pierre, ni sang, ni fleurs. Mais tout est puissance, peine et gloire, ouverture et progrès. Craint et aimé, l’estuaire feint d’ignorer l’océan qu’il repousse loin, très loin avant de l’embrasser de ses eaux dorées lui offrant de pénétrer dans le sein de la terre au fond de rus intimes. Venise ici peut-être, Hollande plus loin, Amazonie plus près, incroyable kaléidoscope de la planète, brassé, moulu, ressuscité, noyé, confondu, disparu. La Gironde offre à l’esprit l’impression paisible d’un calme infini. Il n’en est rien. Elle reste vulnérable, toujours remise en cause par la complexité des mouvements de la lune et des flots, des vents et des équinoxes. S’imprimant dans la douceur de la plaine, elle exprime la maîtrise des luttes colossales des éléments assagis par le temps. Essoufflée de battre les falaises de calcaire elle rassemble en une courbe oblongue, souple et gracieuse, tel un sourire à l’Atlantique, les bras innombrables des deltas immémoriaux. Espace de liberté et de respect entre les hommes et la terre, l’estuaire nous apprend l’humilité, la mesure et l’harmonie.